La kinkerne dans les Alpes du sud

La kinkerne dans les Alpes du sud

musique


Une anecdote vécue


 

 


L'histoire se passe au Pra, hameau le plus important de Saint-Dalmas-Le-Selvage, dont la fin fut dramatique. Créé à partie de 1617, il compta jusqu'à 160 habitants. Il y avait, au début du XXe siècle un prêtre, une école, la gendarmerie et, compte-tenu de la proximité de la frontière, un poste de douane aux interventions nombreuses, la contrebande avec l'Italie toute proche étant une activité traditionnelle.

Malheureusement, il était frôlé par un terrible torrent dévastateur, le Salso Moreno qui le ravagea à plusieurs reprises. Les inondations devinrent catastrophiques en particulier en 1860 et un siècle plus tard,le 22 juin 1961, ca qui mit un terme définitif à son existence permanente.

 

Témoignage d’Emile BRUN, né en 1921 au Pra (hameau de Saint-Dalmas-Le-Selvage)

Ce natif d’un village du bout du monde, aujourd’hui inhabité la plus grande partie de l’année raconte :

            

            « L’histoire qui nous impressionnait le plus, c’était l’histoire de mon grand’père et du loup.Lors de son retour au Pra, après la fête à Saint-Dalmas, mon grand’père avec sa vielle, qui avait  jusqu’à une heure avancée de la nuit fait danser les gens du village, s’aperçut en cours de route qu’il était suivi par un loup. Heureusement mon grand’père avait, en quittant Saint-Dalmas, rempli ses poches de cussonets, ce qui lui permit, en les lançant en direction du loup, de tenir celui-ci à distance. Hélas ! la provision fut vite épuisée. En arrivant à la sortie de Vens, direction le Pra,il n’y avait plus de cussonets et le loup menaçant avançait à grands pas !

A cet endroit, au bord de la route, il y avait un gros rocher qui faisait caverne. Pour éviter le loup, mon grand’père décida de s’y réfugier. Mais en rentrant à l’intérieur, une corde de la vielle accrocha le rocher, faisant un grand bruit musical. Le loup prit peur et s’éloigna. C’est alors que le grand’père, s’apercevant que le loup avait peur de la musique, continua sa route pour rentrer au Pra en jouant de la vielle, sans être inquiété par le loup. Depuis ce jour, le rocher a été appelé Grattaloupé  (gratte-loup)" 

 

Anecdote racontée par des anciens:

Au début du XXe siècle, un habitant qui revenait de Barcelonnette était suivi par un loup. Il n'en menait pas large car la bête avait tendance à se rapprocher. C'est alors qu'en agitant le sac qu'il portait, plein de diverses ferrailles ,fers  pour les ânes et chevaux, pointes, etc... , il s'aperçut que le loup était craintif. Naturellement, il s'empressa de bouger le tout et l'animal finit par disparaître.

 

  Le loup n’étant pas mélomane, ces bruits de poches de cornemuse qui se dégonflent , de grincements de cordes de vielle ou de ferrailles qui tintinnabulent  se retrouvent dans de nombreuses provinces de France. Ont-elles été colportées ou essaimées au cours des pérégrinations des musiciens itinérants ?

                                                            Possible ! …

 

Cette tradition est encore attestée  en 1856 lorsque le 15 octobre, le "sindaco" (analogue au maire français) signe une autorisation à FERRIER Francisco, sonneur ambulant d'orgue et de vielle, accompagné de sa femme et d'une amie pour qu'ils puissent pratiquer leur art dans les provinces de Nice, Gênes, Turin, Cuneo et "autres de l'Etat"                          (ndlr royaume de Piémont-Sardaigne)

 

La fin du XIXe siècle sonne le glas de ces pérégrinations lointaines:

Selon le chevalier De Cessole, en 1898,   les péragrinations habituelles des musiciens ambulants ne sont plus en usage: aujourd'hui les habitants de Saint-Dalmas vont dans les grandes villes où ils réussissent, à l'aide du travail, à réaliser de petites économies; ils reviennent plus tard dans leur pays jouir du fruit de leurs épargnes.

Au XXe siècle, les sonneurs de vielle à roue ont disparu du paysage. Un ancien m'a raconté qu'en 1907 (ou 1908 ?)  un joueur avait été sollicité pour faire danser la jeunesse du village. Il avait répliqué que sa chèvre étant sur le point de mettre bas, il ne pouvait pas venir. 

                                   Depuis ...   ... plus rien à ma connaissance !

Durant la décennie 1970, on note un petit renouveau de cet instrument, qui connut jadis son heure de gloire !

 

 

 

 

 

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 La dernière vielle "organisée" de St-Dalmas

 

Renouveau de la vielle en 2010 ?

 

 

 

                                   

 


10/11/2014
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Une activité très traditionnelle : La vielle à roue !








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A la pointe septentrionale du comté de NICE, la Haute-Tinée, selon de nombreux témoignages, fut un des berceaux de la vielle à roue dans les Alpes du Sud. Avant 1860, date du dernier rattachement à la France, la plupart des autochtones étaient trilingues. En dehors de l’Italien, langue officielle et des dialectes locaux, leurs relations privilégiées avec le royaume de France( Barcelonnette et la vallée de l’Ubaye), les prédisposaient à utiliser le français dans les affaires. Aussi ne faut-il pas s’étonner si la vielle était appelée « orgue », ou encore « viola » ou « ourgounin » dans les dialectes locaux. Nombre d’entre elles étaient d’ailleurs des vielles dites « organisées », combinant l’instrument à cordes frottées et l’instrument à vent 

 

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La même vielle organisée (avant 1939)

 Cette expatriation traditionnelle, illustrée par les descriptions de J.E. FODERE  est encore attestée par un document daté du 7   mars 1809, un « passe-port » délivré par la commune d'AURILLAC (Cantal),

 Jean ANOGE, joueur de vielle, natif de Saint-Dalmas-Le-Sauvage, et y demeurant

On était très rigoureux au XIXe siècle, les musiciens itinérants devaient obtenir   un passe-port  (en deux mots!)  dans chaque ville traversée pendant leurs pérégrinations. Celui-ci date du 7 mars 1809. Jean Anoge devait être sur le chemin du retour, pour rejoindre ses foyers après la fonte des neiges, fin avril-début mai.           

 

Il déclare vouloir se rendre à BARCELONNETTE (Basses-Alpes), ville proche de Saint-Dalmas-Le-Selvage, les autochtones faisant couramment l'aller-retour dans la journée. il est âgé de 43 ans, mesure 1 mètre70, a les cheveux chatain, le front large le nez gros, la bouche moyenne, la barbe chatain, le menton rond, le visage ovale et le teint coloré

Signes particuliers; 

Une cicatrice au menton du côté droit,

La photo n'existait pas encore, mais la description est très précise ! !

Joannes Franciscus ANOGE nait au Pra le 25 décembre 1766   (joyeux Noël ! )  Il francise son prénom en Jean quand il se rend en France.  Jean meurt au Pra le 28 février 1824. Les actes d'état-civil sont transcrits en français, bien qu'il soit citoyen du royaume de Sardaigne. Le roi avait autorisé les villages frontaliers à utiliser les deux langues !

 

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06/11/2014
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Le Selvage ou Le Sauvage ?

 Le nom de ce village tel qu’il apparaît dans le titre peut paraître hautement fantaisiste. Il a pourtant été employé, à tort, pendant de décennies, voire plus d’un siècle. Le comté de NICE a oscillé au gré des multiples guerres entre duché de Savoie (plus tard royaume de Sardaigne après le traité d’UTRECHT) et le royaume de France. Les habitants de ce village avant 1860 avaient pour langue officielle l’italien (Florentin), connaissaient le français pour les affaires traitées avec les voisins de BARCELONNETTE et de la vallée de l’Ubaye  , et parlaient entre eux un dialecte gavot, tirant sur le provençal alpin. La côte dite « d’Azur » leur était parfaitement inconnue, car trop éloignée : il fallait 3 jours pour s’y rendre !La particularité de ce village, depuis la renaissance et peut-être avant, était l’émigration temporaire à la mauvaise saison d’une grande partie de la population, qui allait gagner sa vie durant l’hiver en France , parfois dans d’autres pays européens, et revenait aux environs du 1e mai, lorsque la neige avait disparu et que les travaux agricoles pouvaient reprendre. Ne restaient au village que les femmes, les vieillards et les enfants.

Leur occupation principale consistait à tricoter au chaud dans l’étable les gilets ou chaussettes,  qu'ils allaient vendre à la fonte des neiges en colonnes muletières à BARCELONNETTE ou autres villages de l'Ubaye. La laine de ce village avait la réputation d'être la plus belle du comté de NICE.

Saint-Dalmas avait une particularité, peu appréciée de ses voisins: Contrairement à la majorité des villages , bêtes et humains cohabitaient dans la même maison, ce qui était un avantage en hiver (les habitants se réfugiant au chaud dans l'étable!). Dès qu'il pleuvait, le passage des cheptels dans les rues les transformaient   en véritables cloaques à cause des bouses de vaches ou crottes de mouton . Ce village n'avait pas une réputation de propreté, et il fallut attendre 1900 et les années suivantes pour que les rues soient enfin pavées !

 Le 1e novembre, après une messe solennelle sur la place du village, tout ce monde partait vers la France par un col qui  communique avec la haute vallée du Var (village d'ESTENC). Son patronyme actuel est "col de GIALORGUES". 

 Le patronyme de ce village a beaucoup évolué au cours des siècles. Dès 1067 une église est mentionnée « Ecclesia beati damatii ». Au XIIe siècle, l’appellation « Sanctus Dalmatius Selvaticus » a débouché sur le nom actuel . Sous administration sarde (1854) San Dalmazzo Il Selvatico, ou encore Sante Dalmazzo In Silvi. Aujourd’hui , il n’y a plus d’ambiguïté, il s’agit bien   

                                                                                        Saint-Dalmas-Le-Selvage,

 

 Les documents de notre anecdote, datés du XVIIIe et XIXe siècle, font état de:

                                                                                         Saint-Dalmas-Le-Sauvage

Une explication s'impose: en gavot (provençal alpin)",San-Dalmas-Lou Saouvagé" prêtait à confusion et même les documents officiels faisaient état du "Sauvage". En l'an VIII du calendrier républicain, l'erreur fut décelée, mais les mauvaises habitudes ont perduré.

J.E. FODERE, éminent scientifique, érudit, chargé de mission par le préfet des Alpes maritimes, parle de "Saint-Dalmas-Le-Sauvage", dans son courrier du 13 brumaire AnX,     adressé au "citoyen-Préfet"  (sic!)

Pour clore la polémique, le conseil municipal proposa en 1894: Saint-Dalmas-Sur-Tinée Cette initiative ne fut pas retenue par l'autorité de tutelle, et il fallut attendre 1920 pour que la haute administration mette un terme (définitif ?) à l'ambiguïté. C'était en fait un retour à l'appellation initiale du XIIe siècle:

                                                                                          Sanctus Dalmatius Selvaticus

La forêt (Selvage) figurera désormais dans les armoiries du village. Saint-Dalmas est très connu localement. Ancien légionnaire romain converti au christianisme, il aurait évangélisé le sud des Alpes, où quatre villages portent son nom :                                      Saint-Dalmas-Valdeblore,

Saint-Dalmas-de Tende,

Borgo San Dalmazzo,

                                                         et   ...   Saint-Dalmas-Le-Selvage !

                                                                

 


06/11/2014
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