La kinkerne dans les Alpes du sud

La kinkerne dans les Alpes du sud

La fidèle compagne des Allobroges... la marmotte

Les actuels Savoyards sont les descendants des Allobroges, premiers occupants de ces montagnes

                                      
Dès la renaissance, les montagnards apprenaient des pas de danse à leur marmotte, ce qui leur permettait de gagner quelques sous en amusant les badauds.

 

                                                        numérisation0011.jpg

 

 Sébastien Mercier, dans son "Tableau de Paris", peu avant 1789, décrit ainsi les Savoyards:

 

                    "Ces Allobroges de tout sexe et de tout âge ne se bornent pas à être commissionnaires ou ramoneurs.Les uns portent une vielle entre leurs bras et l'accompagnent d'une voix nasale. D'autres ont une boite à marmottes pour tout trésor".

 

La marmotte était mise à toutes les sauces, au propre comme au figuré!

             La coiffure des Savoyardes (foulard noué sur la tête) étonnait les parisiens qui l'appelaient  "coiffure à la marmotte "

             La caisse en bois des colporteurs était appelée "marmotte"

             Les jeunes Savoyardes, que la misère entrainait parfois à la prostitution étaient surnommées "marmottes" par les parisiens

 

Ainsi cet animal contribuait à faire vivre les habitants de ces villages durant l'hiver, ceux qui s'expatriaient temporairement, comme ceux qui restaient sur place.

 

Source de nourriture appréciée, la capture des marmottes à l'automne était une activité traditionnelle. L'animal rentre dans son trou pour hiverner, généralement pendant la première décade d'octobre.Le délit de braconnage étant ignoré, les hommes profitaient de leur endormissement pour creuser à la pioche et à la pelle une galerie pour rejoindre leur chambre, travail harassant.Il fallait alors les tirer avec un outil rudimentaire et atroce,"l'échéïoné", corne de chamois emmanchée    sur un bâton.

                                    corne chamois.jpg

La marmotte était alors vidée, dépiautée, dégraissée, salée et pendue à l'étage le plus ventilé de la maison le "poli". La peau, bourrée d'herbes aromatiques était soigneusement conservée (de même que celles des nombreux renards abattus au fil des saisons) et attendait le printemps où un grossiste en fourrures de NICE montait les acheter. C'était là un revenu non négligeable.

 

marmotte-02.jpg

 

5_-Chemin...jpg

chasseur bousieyan.jpg

 

 

 

 

La graisse était vendue aux pharmaciens, pour le traitement des rhumatismes. La chair était transformée en rillettes, parfumées d'herbes et d'une saveur délicate.Cette spécialité du village de Mollières avait fait surnommer les habitants "manja-murès" (mange-marmottes !) Il s'agit là de traditions de la Tinée. Dans d'autres vallées, les habitudes pouvaient être différentes. A Bayasse (vallée de l'Ubaye), les marmottes étaient capturées vivantes, conservées dans un coffre rempli de foin et prélevées au fur-et-à-mesure des besoins.

 

Toujours chassée aujourd'hui, certains préfèrent lors de l'ouverture, partir "à la marmotte" plutôt qu'au traditionnel chamois.

 

La tradition des montreurs de marmotte s'est maintenue jusqu'au début du XXe siècle, témoin ce récit de Giovanna Giavelli, née en 1886 à   Ferrière (village très proche de la Haute-Tinée):

 

 

giovanna; son frère et marmotte.jpg

                                                                                           Giovanna, son frère et ...  la marmotte !

 

               "A l'automne, mon père allait creuser sous terre, il en extirpait les marmottes (trois ou quatre) et les mettait dans une petite caisse. J'étais la maîtresse des marmottes, je les éduquais à l'aide d'une baguette. Je les faisais danser et siffler. Je les baptisais aussi, chaque marmotte avait un nom. Pour manger je leur donnais des pommes, des choux et du pain.C'est à coups "d'bastunets" (baguette) que les marmottes dansaient, si j'appuyais fortement, elles se mettaient à siffler car elles n'aimaient pas être frappées. Je faisais,vite pour dresser les marmottes, à l'automne elles étaient déjà "n'dutrina" (dressées) Alors j'allais en France "a la sado" demander la charité. Mon père avait quarante ans, il portait sur son dos la petite charrette et la caissette de marmottes. En trois ou quatre jours, à pied en passant par le col de Pouriac, nous descendions à Saint-Martin-du-Var, puis enfin à Nice. Nous n'amenions pas une mais plusieurs marmottes pour le cas où l'une d'entre elles serait venue à mourir.

Une fois arrivés à Nice ou à Cannes, nous allions de ça et de là demander l'aumône. Moi et l'un de mes plus jeunes frêres nous travaillions avec la marmotte . Elle dansait pendant que je chantais une chanson en français ...   ...

Les marmottes rousses étaient méchantes, les grises au contraire, étaient gentilles. Une fois une marmotte rousse m'a mordu la main."

marmotte.jpg

 

                                                                                                           La marmotte aujourd'hui :

 

Je précise que mes observations ne portent que sur la Haute-Tinée. Elles ne présagent en rien de la situation d'autres territoires.

 

Les populations sont en très nette régression. Des lieux où elles pullulaient se sont vidés en quelques décennies. Les hypothèses (parfois farfelues , comme l'abondance de chocolat offert aux pauvres bêtes ! ! ) pour expliquer ce dépeuplement sont nombreuses. Je tiens à innocenter les chasseurs , qui n'en tirent que très peu : la raréfaction touche aussi bien la zone centrale du parc du Mercantour (chasse interdite) que la zone périphérique (chasse autorisée). Citons, pour expliquer la diminution des effectifs:

 

       La voiture, compte-tenu des animaux écrasés retrouvés au bord des routes (particulièrement celle du col de la Bonette, en zone centrale!)

 

     Les nombreux dérangements des randonneurs qui, par les fuites à répétition, les empêchent de reconstituer leurs stocks de graisse, nécessaires pour passer l'hiver.

 

      Le dérèglement climatique: la neige, moins importante que par le passé,parfois complètement absente, ne recouvre plus leur terrier (c'était une protection contre le froid!) et les expose aux fortes gelées. Il est possible que, pour conserver leurs habitudes de vie, elles se soient réfugiées à des altitudes plus élevées . Certaines constatations privilégient cette hypothèse.

 

       Certains prétendent qu'elles sont sujettes à des infections contagieuses (on aurait retrouvé des vers dans leurs intestins) Hypothèse à vérifier ?

 

        Leur raréfaction s'expliquerait par les suites de Tchernobyl. Les petits herbivores seraient sensibles à la contamination. Mais alors pourquoi les grands herbivores ne sont pas touchés  ?

 

        Le loup peut en prélever quelques unes, les renards sont encore plus redoutables, mais la principale menace vient des chiens qui se sont multipliés pour prévenir les attaques de loups sur les troupeaux d'ovins. Dans les montagnes pastorales, les "patous" (grands chiens blancs originaires des Pyrénées) ont fait disparaître le petit rongeur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                   

 

 

 

 



27/12/2015
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Musique pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour