La kinkerne dans les Alpes du sud

La kinkerne dans les Alpes du sud

Un peu d'histoire


Quelques appréciations sur la kinkerne !



La vielle à roue est un instrument qui ne laisse pas indifférent:

         "c'est un instrument qu'on déteste à jamais ou qu'on aime pour toujours"

Dès le moyen âge, elle est très controversée, les appréciations les plus flatteuses cohabitant avec les plus péjoratives. Elle apparait vers 1200 où, parmi les jongleurs, un nommé Jouglet est déjà qualifié de "vïeleor" (vielleux) car:

       "Savant et réputé, celui-ci avait entendu et retenu mainte chanson et maint beau conte"

Mais les "jongleurs" et autres "amuseurs" ne sont pas admis par le droit canonique. Seules sont licites les chansons accompagnées par des instruments ou la musique instrumentale. C'est ainsi qu'on cite une rencontre entre un jongleur et le pape Alexandre III . Sa vielle suspendue au cou, l'homme demande au pape la permission de poursuivre son métier. Après avoir hésité, le pape concéda que ce métier était légitime du moment qu'il était pratiqué sans lubricité ni turpitude.

De hauts personnages sont des défenseurs de la vielle, comme Thibaud IV de Champagne, dit "Le chansonnier", ce qui en dit long sur ses goûts musicaux !

Au XVe siècle:

             "On appelle en France "vielle" un instrument dont les aveugles jouent en chantant des chansons de geste. C'est un instrument qui a bien doux son, est plaisant à voir, si ce n'était l'état de ceux qui en usent".

Mais elle tombe rapidement, au moyen âge et à la renaissance aux mains des mendiants, et plus particulièrement des mendiants aveugles (voir tableaux de Georges De La Tour)

"Si les hommes de condition touchoient ordinairement la Symphonie que l'on nomme "vielle", elle ne seraoit pas si méprisée qu'elle est, mais parce qu'elle est touchée par les pauvres et particulièrement par les aveugles qui gaignent leur vie avec cet instrument, l'on en fait moins d'estime que les autres, quoy qu'ils ne donnent pas tant de plaisir".

Elle est très calomniée, on dit "vieller" pour ne faire "guesres de besogne", on dit d'un homme lent qu'il est "long comme une vielle "!

Ainsi donc, c'est l'instrument "Truand", joué par des "gueux" volontiers appelés "pauvres du diable", dont voici quelques illustrations:

vielleux bellange.jpg1312290-Georges_de_La_Tour_Rixe_de_musiciens.jpg
Ce tableau de G. de la Tour garde une part de mystère. Hypothèse vraisemblable,

le personnage agressif de droite écraserait un citron près des yeux de son adversaire vielleux pour s'assurer qu'il est bien aveugle !

vielle à roue 008.jpgvielleur_au_chapeau.jpg


 Dans le roman de renart:

                     "Harpes i sonnent et vielles ...  qui font les mélodies belles "

 

Pour Rabelais:

                     " Un vielleux au milieu d'un carrefour assemblera plus de gens que ne le ferait un bon prescheur évangélique "

 

Selon Furetière (1619-1688) :

                        " ... instrument de musique pour réjouir les gens du peuple et dont jouent ordinairement les pauvres aveugles. Cet instrument est maintenant tombé dans le mépris, quoy que les anciens le nommassent par excellence Symphonie " .

"Les vielleurs vont jouer de porte en porte pour faire danser les servantes, les enfants, les paysans " ...

 

Selon Trichet:

                         "   ...  d'autant qu'elle est maniée seulement par des idiots et pauvres mendians, la plupart desquels sont aveugles, il ne faut pas s'estonner si elle sert seulement  pour esmouvoir à pitié, et donner moyen aux misérables de survenir à leur misère " .

 

 

Au XVIIIe siècle, nous entrons dans "l'âge d'or de la vielle à roue", la cour, passionnée par la ruralité et les bergeries qui lui sont associées (le hameau de la reine à Versailles), lance la mode de cet instrument qui est désormais joué par les élites. La reine de France Marie Leczinska était une modeste vielleuse. Les grands luthiers parisiens créent de véritables œuvres d'art luxueuses.

                            "Depuis que la cour du roi a considéré la vielle comme un instrument capable d'occuper sa délicatesse, les clairvoyants courrent sus aux pauvres aveugles pour leur enrayer un bien qui leur était propre et qui leur appartenait sans aucun concurrent à une époque plus récente ".

Les "pauvres du diable" sont alors remplacés par des "pauvres de Dieu", généralement des petits savoyards, aux valeurs appréciées de courage dans l'adversité, attachement aux traditions et sens élevé de la famille.

                      " Il faudrait être bien maussade, avoir les oreilles étrangères à tous les charmes de l'harmonie, pour ne pas écouter tout le jour, et souvent à toute heure de la nuit, les accords délicieux que produisent les joueurs d'orgues portatives ou de vielles organisées. Cette mélodie est tantôt vive, tantôt lente  et toujours tendre. Elle répète les airs de nos plus jolies romances, souvent même elle exécute des ouvertures".

 

jeunes vielleux.JPG

 Quelques "pauvres de Dieu"  (voir les "pauvresses" dans l'article Fanchon la vielleuse)

 

 A la fin du XVIIIe siècle, elle revient aux mains de personnages méprisables et il s'établit une connivence entre vielle et prostitution. On verra alors dans les rues de Paris des prostituées appeler le client en chantant des couplets obscènes , tout en s'accompagnant de la vielle.

Au XIX e siècle, elle devient un instrument populaire et sert à faire danser les foules villageoises tant sur des airs traditionnels ( bourrées, rigaudons, branles, ...   ) que sur d'autres, importés de pays européens ( valses, polkas, mazurkas, ...   )

Après une éclipse au début du XXe siècle, elle refait une timide réapparition depuis les années 1970, en adaptant répertoire traditionnel et nouveautés.

                      " La vielle dont le nasillement est sans remède fut, dans nos rues, la compagne de la marmotte. L'une et l'autre avaient pour maître à l'habitude un enfant d'Auvergne, de Savoie ou d'Italie. La vielle grinçait, la marmotte sautait, et la foule y prenait un plaisir égal".                     (Le Miroir du monde, année 1932)

 

Aujourd'hui, certains (à coup sûr des mauvaises langues !)  disent qu'un joueur de vielle passe la moitié de son temps à accorder son instrument et l'autre moitié du temps à jouer faux !

 

A la renaissance, la vielle était l'instrument "truand"  joué par des "gueux",  appelés "pauvres du diable " ! , agressifs , violents et rejetés par la bonne société. Les caricatures ne manquent pas:

caricature bellange.jpgvielleux et triangle.jpg

 Brueghel lui-même, dans sa "parabole des aveugles", les fait tomber sur ...   ... une vielle à roue  !

aveugles.jpg

 

 

 détail parabole brueghel.jpg

    Détail de la parabole des aveugles                


20/02/2015
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