La kinkerne dans les Alpes du sud

La kinkerne dans les Alpes du sud

Fanchon la vielleuse


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Ceci est une longue histoire !

Cette photo du restaurant "La vielleuse" prise en 1900, devenu aujourd'hui sous le même nom une brasserie au 2 rue de Belleville mérite qu'on s'y attarde.

Avant de devenir un restaurant, c'était une guinguette à l'enseigne de "Fanchon la vielleuse" Ces établissements, dont la fameuse "guinguette à Ramponneau" firent la richesse des villages de Belleville, Ménilmontant,..  jusqu'en 1860.

Ils étaient en dehors des "barrières de l'octroi", ne payaient aucun droit de douane, tout était moins cher et ils avaient donc un énorme succès auprès des bourgeois parisiens qui venaient volontiers s'encanailler le dimanche !

Cet âge d'or a hélas disparu lorsqu'ils ont été rattachés à Paris.

C'est à cet endroit que s'affrontaient au XIXe siècle les bandes rivales des quartiers de La Villette et de Belleville, où la police était obligée d'intervenir assez souvent pour calmer les protagonistes.

 

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A l'intérieur de la brasserie se trouve toujours ce miroir qui eut la malchance de recevoir durant la guerre 1914-1918 un obus tiré par la grosse Bertha depuis la forêt de Compiègne (éclat en haut à droite)

Une main anonyme avait alors écrit:

         "Bien que blessée à mort, la vielleuse joue encore !"

Avant les dernières transformations qui ont contribué à enlaidir l'établissement, l'inscription suivante trônait au-dessus de la vielleuse:

           "Malgré Bertha qui la blessa le 9 juin1918, elle n'a jamais cessé de jouer l'hymne de la victoire !"

 

Cette "Fanchon la vielleuse" a exercé son art dans le quartier du Temple et a eu un succès considérable. Bien que née à Paris le 14 mars 1737, elle se faisait passer pour savoyarde en gardant ses habits traditionnels, en parlant son dialecte gavot, et avec son mouchoir noué sous le menton (coiffure appelée aujourd'hui encore une "Fanchon" ou "coiffure à la marmotte" car les vielleuses savoyardes étaient souvent montreuses de marmottes)

Un mouchoir ou un fichu entoure la tête . Les extrémités sont nouées au-dessus du front ou sous le cou et les pointes de cette  coiffure rappellent les oreilles de la marmotte. La reine de France Marie Leczinska était coiffée d'un bonnet de dentelle blanche maintenu par une "marmotte" en dentelle noire.

De façon plus péjorative, "marmotte" était l'un des nombreux termes désignant les prostituées dans la langue française (cette profession était occasionnellement exercée par de jeunes savoyardes). 

La "marmotte" était également le nom attribué aux caisses en bois portées par les colporteurs des vallées alpines dans lesquelles ils transportaient leurs articles : mercerie, almanachs, etc ...

Revenons à Fanchon. Elle faisait croire qu'elle arrivait de sa Savoie natale et une véritable légende s'est créée

autour de sa personne au point d'inspirer de nombreux vaudevilles et des comédies. Je n'en citerai que quelques unes:

Fanchon la vielleuse, par Bouilly et Pain (en 1800),

La vielleuse du boulevard (en 1803)

La Fanchonnette, opéra-comique en trois actes,

La fille de Fanchon, 

                                            liste non limitative !  .... Un couplet de la comédie en trois actes:

 

Aux montagnes de la Savoie

Je naquis de pauvres parents,

Voilà qu'à Paris on m'envoie,

Car nous étions beaucoup d'enfants

Je n'apportais, hélas, en France,

Que mes chansons, quinze ans, ma vielle et l'espérance .

 

La légende !

                           " Née de pauvres parents aux montagnes de la Savoie, selon la chanson qu'ils mettaient dans sa bouche, Fanchon serait venue à Paris n'apportant pour tout bagage que "quinze ans , sa vielle et l'espérance " . Par bonheur ses quinze ans avaient de beaux  yeux, une bouche charmante, des bras mignons, une main potelée; et, ainsi pourvue, la petite vielleuse ne pouvait manquer d'enchanter en même temps toutes les oreilles et tous les yeux. Mais elle était aussi vertueuse que belle. Amie des grands seigneurs et des poètes célèbres, en tout bien tout honneur, elle ne profitait de ses relations, comme de la fortune acquise par ses talents, que pour protéger l'innocence, et après avoir épousé un colonel déguisé en artiste, elle finissait par quitter son brillant hôtel de Paris pour retourner au village".

 

Hélas, la vérité est bien différente de la légende !

Qui était réellement cette diva du XVIII e siècle"Fanchon la vielleuse", de son vrai nom "Françoise CHEMIN" était la fille de Laurent CHEMIN, montreur de lanterne magique, de marmottes , joueur de vielle, "gagne-deniers" (douze métiers, treize misères !), né à "Saint-Etienne" du diocèse de NICE (pour ne pas nommer Saint-Dalmas, petit village parfaitement inconnu, du bout du monde !)

Elle vit le jour rue Mouffetard le 14 mars 1737et fut baptisée le 15 mars  dans la paroisse de Saint-Jean du Haut-Pas. Son parrain fut Jacques BERNARD, "Savoyard de la comté de NICE" et sa marraine Françoise BERNARD, qui lui a procuré un prénom.

Ces patronymes méritent quelques explications :

Avant 1860, le nom de CHEMIN n'existe pas à Saint-Dalmas. On ne trouve que des "CIAMIN" (plus d'une centaine, c'est le patronyme le plus répandu !)

Dès qu'ils allaient gagner leur vie en France, les CIAMIN francisaient leur nom en CHEMIN

Après le rattachement de 1860, il ne naissait plus, sauf exception, que des CHEMIN, encore très nombreux aujourd'hui !

Quant à sa marraine, les BERNARD existaient déjà à Saint-Dalmas avant la dissolution de l'ordre des Templiers, donc avant 1307 !

Après la légende, la (triste) réalité :

Elle épouse un niçois de Paris, Jean-Baptiste MENARD, lui aussi montreur de lanterne magique, joueur de vielle ou ramoneur, ...

Le 6 février 1756, elle eut un fils, prénommé Laurent (comme le grand'père!), puis une fille le 17 juillet 1758, prénommée Marie-Françoise. Fanchon eut alors une existence dissolue, ce n'est plus la jeune fille vertueuse de la légende. Pour résumer, au fil des disputes incessantes avec son époux ou ses parents , avec la bienséance et les bonnes moeurs des établissements qu'elle fréquente, elle fut interpelée à de nombreuses reprises par l'inspecteur de police du quartier Saint-Antoine, fit quelques menus séjours en prison.

Procès-verbal du mardi 21 février 1758, à six heures du soir:

                                                       " ... est comparue Françoise CHEMIN épouse du sieur Jean-Baptiste MENARD, faisant voir journellement la lanterne magique, elle originaire par sa famille de BARCELONNETTE en Pièmont, jouant aussi journellement de la vielle".

 Pourquoi BARCELONNETTE ?  Avait-elle honte de son petit village d'origine parfaitement inconnu ? 

Aucune indication sur sa fin de vie

Et pour terminer , plongeons-nous à l'angle du boulevard du Temple et de la rue Charlot dans les décennies 1750-1760 en écoutant cet air provençal, dont l'origine remonte au XVe siècle, qui fut chanté par Fanchon selon ses biographes

 


 

 Parmi les innombrables représentations de Fanchon, quelques unes bien caractéristiques:

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                                                                                                                                   Fanchon peinte par Fragonard

 

 

 

 

 

 

 

 

                               

 



01/01/2015
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